Malgré les crises et au-delà des fractures nombreuses et dramatiques qui meurtrissent la Terre Sainte, la Maison d’Abraham reste bien dressée sur les hauteurs de Jérusalem. Elle a su consolider ses fondations grâce aux liens d’amitié et de solidarité tissés avec tous. Pour leur rendre hommage, Didier Duriez, président national du Secours Catholique-Caritas France et l’équipe de la Maison, ont réuni amis, voisins et partenaires lors d’une journée fraternelle le 14 septembre 2024.
La Maison se prépare
Six fidèles bénévoles ont rejoint la Maison fin août. L’équipe précédente nous avait quittée mi-octobre 2023… Leurs 15 jours de travail intense, avec cœur et entrain, assistés des sœurs, de l’aumônier et de tous les salariés, ont permis à la Maison d’être à la hauteur de sa vocation d’hospitalité.

Bienvenue aux premiers pèlerins de l’Espérance !
Sur le Mont des Oliviers où la Maison a pris racine il y a 122 ans avec les moines bénédictins de Notre Dame de Belloc, et avec le Secours Catholique depuis 60 ans, les invités sont arrivés par vagues successives. Quel bonheur de pouvoir les accueillir en prenant un temps pour chacun !
Attendus avec impatience, ce sont d’abord les pèlerins du Réseau Saint Laurent qui arrivent de France dès le jeudi soir. Leur petit groupe constitue l’ambassade des 450 membres du Réseau venus vivre un pèlerinage en Terre Sainte depuis 2021. Ce sont nos premiers pèlerins de l’année. Heureux de se retrouver, ils nous confient comme un cadeau, les dons reçus lors de leur première visite. Merci à eux !

Témoignage de Thierry du groupe « Pierre d’Angle » de Lens
« Les pèlerins ont peur de venir avec les tensions de guerre mais moi, je ne trouve pas ça dérangeant. Ici c’est un endroit de paix et si les pèlerins ne viennent pas, la Maison n’existera plus. Il faut venir ! Quand je suis venu ici la première fois, j’ai fait des rencontres avec des gens qui sont devenus de la famille. Même maintenant, on se téléphone encore avec les pèlerins du groupe. Pour nos 25 ans de mariage, on les a invités et ils sont venus ! C’est ce qui est dans les icônes du chemin des pèlerins de l’Espérance : j’ai vécu le lavement des pieds en France et dans la maison de sœurs ici, et ça m’a changé la vie de laver les pieds les uns aux autres. Le regard des gens devient complètement différent. Parce qu’il y a des regards qui tuent et là c’est l’inverse, avec un sourire. Abraham n’a pas eu peur d’accueillir, il ne s’est pas posé de question d’accueillir des étrangers. Comme lui, moi, ça ne me dérange pas de parler avec des étrangers. »

Témoignage de Peter du groupe « Stéphane Bouillon » d’Auray
« Dans sa vie, on voit qu’il y a des choses qui se développent. On se voit à Jérusalem et on se revoit et ce qui en résulte est incroyable et tellement incroyable que cela devient croyable !
Lorsque je suis arrivé en France vers 25 ans, je n’étais plus très catho. Mais 30 ans plus tard, en venant en Terre Sainte à la Maison d’Abraham, le jour de mon anniversaire, le 15 mars, je me suis trouvé au Mont des Oliviers à St Pierre en Gallicante, j’y ai reçu une onction de l’Esprit Saint et j’ai compris là que ma vie allait changer. Et elle a changé ! Maintenant je suis actif dans l’Eglise, à la messe… Je vais avoir 60 ans, je suis toujours aussi pauvre qu’avant mais je suis heureux ».

Peu de temps après ce premier groupe, nous avons la joie d’accueillir Didier Duriez, nouveau président national du Secours Catholique – Caritas France, accompagné d’une délégation nombreuse du Secours Catholique, parmi laquelle le Père François Odinet, nouvel aumônier général, Véronique Fayet, présidente honoraire et les Pères Hervé Perrot et Dominique Fontaine, anciens aumôniers généraux. Etaient également présents le Père Guy Tardivy, ancien aumônier et le Père Alexandre Pietrzyk, actuel aumônier de la Maison.

Une délégation de la Conférence des Evêques de France (CEF), présidée par Mgr Eric de Moulins-Beaufort, est venue renforcer la délégation nationale du Secours Catholique. Cette visite aura permis aux délégations nationales de la Conférence des Evêques de France et du Secours Catholique de rencontrer les pèlerins du Réseau Saint Laurent et des acteurs ecclésiaux et politiques de Terre Sainte.


Un jour anniversaire à la fois grave et joyeux
A Jérusalem, depuis le 7 octobre 2023, les habitants vivent comme reclus sur eux-mêmes. Les rues de la ville, d’habitude bondées et si bruyantes, sonnent tristement vide. Mais ce matin du 14 septembre, ce n’est pas le cas des jardins de la Maison d’Abraham. Dès le petit jour, chacun – bénévole, religieuse ou salarié – met la main à la pâte pour que tout soit prêt. Il s’agit d’offrir aux 300 invités l’hospitalité simple, joyeuse et priante, voulue par Mgr Rodhain en 1964 et qui fait la marque de la Maison. Sont aussi présentes, les femmes du centre communautaire « Althoury Women Center », partenaire de la Maison, qui proposent leur fabrication artisanale : poterie, bijoux, peintures, de très beaux produits dont la vente permet un revenu complémentaire à leurs maigres ressources.


Un nouveau chemin de pèlerins
Cet anniversaire est l’occasion de rappeler les fondamentaux de la Maison d’Abraham : hospitalité et miséricorde. Pour souligner la spécificité de ces 2 charismes et les partager à tous ses visiteurs, la Maison a inauguré un nouveau “Chemin des pèlerins de l’espérance” le long du mur d’enceinte faisant face aux murailles de la vieille ville de Jérusalem.
Accueillis par Abraham et Sarah
Les invités prennent place autour d’une icône aux tons flamboyants. Elle introduit le chemin avec la figure hospitalière d’Abraham dans cet épisode biblique qui le raconte accueillant avec le plus grand respect 3 visiteurs inconnus sous le chêne de Mambré. Mgr William Shomali, vicaire patriarcal du Patriarcat latin de Jérusalem bénit l’œuvre et explique combien elle guide l’hospitalité de la Maison, marquée profondément par son passé de monastère bénédictin : « Ce nouveau chemin prend son inspiration dans la règle de St Benoît qui indique que toute personne soit reçue comme le Christ. […] Gentillesse, prière, service désintéressé vont au -delà des gestes de courtoisie pour devenir une véritable attitude de foi. »


Regardés par le Christ
Formant un ruban silencieux le long des jardins de la Maison, nos invités découvrent les 15 étapes qui balisent le nouveau chemin. La dernière nous réunit devant une grande icône du lavement des pieds écrite par Sœur Marie-Paul, bénédictine de la communauté voisine des sœurs du Mont Carmel.
« Quand nous voyons le mal chez l’autre – écrit elle – nous avons tendance à juger et à condamner. Jésus nous demande de « laver » et de porter le fardeau de l’autre au lieu de le condamner ». Dans ce lieu d’action du Secours Catholique à Jérusalem, cette interprétation éclaire la vocation à la fraternité que s’efforce de vivre les hôtes de la Maison d’Abraham, une fraternité qui construit et re-construit sous le regard du Christ et la pratique de la miséricorde et du pardon.

Rassasiés par le Christ
Ce parcours méditatif est suivi d’une messe d’action de grâce. Chacun prend place sur les bancs de la terrasse qui surplombe le quartier de Silwan, face au Mont Sion. Notre regard se porte naturellement vers le toit du Cénacle, l’église St Pierre en Gallicante, les dômes du Saint Sépulcre… Le vent s’est levé, apportant la fraîcheur nécessaire pour que chacun soit bien. Un chœur de chants arabes chrétiens soutient la prière. Tous nos sens sont invités à vivre ce repas à la table du Christ.
Durant la messe, Mgr Eric de Moulins-Beaufort reprend le vœu du pape François dans la lettre que le cardinal Parolin a adressé à la Maison d’Abraham à l’occasion de ce Jubilé (voir texte ci-après) : « Nous prions pour que la justice et la paix puissent venir habiter le cœur des hommes et inspirer la conduite des Etats ». « Ici dans cette maison, des pèlerins et des voyageurs de tout genre sont reçus. Ils partagent un moment de la vie d’une communauté, celle qui anime la maison mais aussi celle des liens tissés avec ce quartier de Jérusalem, traversé des tensions et des espoirs de cette ville […], l’incompréhension mutuelle peut être meurtrière. Elle ronge en tout cas les relations et les transforme enbrutale juxtaposition. Et pourtant dans cette humanité-là, il existe ici et ailleurs, une et des maisons d’Abraham, des personnes prêtes à en accueillir d’autres, même un moment. »


Rassemblés sous la tente d’Abraham
Après la messe, les cuisiniers de la Maison ont préparé un repas de fête pour près de 300 convives, servi sous une grande tente ouverte des quatre côtés, à l’instar de la tente d’Abraham.

Didier Duriez introduit le moment en rappelant la double mission de la Maison d’Abraham :
« Je ne peux que souhaiter pour la Maison d’Abraham de continuer la mission que nous a confiée le pape Paul VI en 1964 : faire de cette maison une terre d’accueil et en particulier pour les plus pauvres, les pèlerins qui n’auraient pas les moyens de se loger à Jérusalem.
Deuxième mission également très importante, celle d’être un espace de rencontre. Dans une société très fracturée, il est essentiel d’avoir ces espaces où les personnes peuvent échanger et agir ensemble. Et cela peut s’étendre à d’autres communautés locales qui le souhaiteraient.
Accueil et rencontre, à l’identique de ce qui se fait depuis 60 ans, voilà ce qu’il faut plus que jamais poursuivre sur cette terre qui a vocation à la paix ! ».
Monsieur Nicolas Kassianidès, Consul Général de France à Jérusalem prend également la parole avec des mots d’amitié et de reconnaissance qui nous touchent comme ceux de Monsieur Moussa Abassi, responsable (mukhtar) du quartier Ras Al Amoud où se situe la Maison et de Madame Abeer Zayyad, directrice de l’association de femmes palestiniennes Al Thoury Women Center avec laquelle la Maison d’Abraham collabore pour soutenir les femmes du quartier.

C’est aussi l’occasion saisie par Madame Abeer Zayyad pour remercier la Maison d’Abraham de ce partenariat et souhaiter bon vent à Bernard Thibaud, directeur de la Maison et son épouse Sylvie, qui repartent en France à la fin du mois d’octobre.
Pour clore ce Jubilé, le trio Gheilan nous offre, avec leurs instruments traditionnels palestiniens, oud, qanûn et percussions, un moment de communion avec les habitants de cette terre si terriblement meurtrie.

La Maison doit maintenant se projeter vers l’avenir. La confiance en la vie – toujours jaillissante malgré tout – de nos voisins et des acteurs locaux nous encouragent à garder l’Espérance.

